L’aphorisme

L’aphorisme me fascine.

Ce raccourci volontairement puissant et outrancier met en avant soit une vérité cosmique soit l’anecdote banale élevant le tout au rang de précepte de vie. L’évidence qu’il étale au grand jour, par le coté explosif de la caricature mêle humour, sagesse et grand discernement.

De « Sans liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur. » de Beaumarchais à « Si tu mets des rollers à un cheval, il va plus vite mais moins longtemps », de pierre Légaré l’éventail est large… Si le premier pose avec grâce les principes de la démocratie, le second, sous ses airs de loufoquerie improbable, nous renvoie vers des notions troubles : nous vivons une époque formidable où le mieux est l’ennemi du bien et la recherche de la performance à tout prix peut provoquer un ridicule qui certes, ne tue plus. En usant du petit et du grand, du particulier ou de l’universel, du modeste et du prétentieux, de l’évident ou du  paradoxal, l’aphorisme met le doigt de l’interlocuteur dans un engrenage

Alessandro Barrico, le merveilleux auteur  de « Soie », écrit dans « L’âme de Hegel et les vaches du Wisconsin » : « L’aphorisme, même quand il se présente sous la forme d’un jugement définitif et péremptoire, ne fait pas autre chose qu’inaugurer la réflexion ».

Et oui ! La force de cet adage concentré n’est pas de conclure mais d’initier.

C’est une flèche ; une flèche qui met dans le mille. Elle prend la trajectoire que souhaite l’auteur et se fiche au centre de la cible, faisant résonner en cercles concentriques les zones voisines du sujet pointé. C’est de cette résonance que naît l’intérêt de cette forme d’expression. Le vice du tireur peut même  le pousser  à manquer délibérément le centre de la cible pour faire résonner différemment, disons elliptiquement, les disques entourant le centre, créant le déséquilibre humoristique cruel ou cynique. Les plus pervers arrivent à tirer dans une autre cible que celle à laquelle ils pensent ; faisant œuvre imagée, ils touchent le centre d’une cible qu’on n’entrevoyait nullement quand le trait a été décoché. Et pourtant il arrive dans le mille ! Du grand art que de joindre l’utile à l’agréable en énonçant des banalités qui font mouche en empruntant parfois le chemin des écoliers.

Tour à tour, la médiocrité de l’humanité ou le ridicule de ses contemporains se fait épingler par le trait qui, bien que munit parfois d’un empennage flamboyant n’en est pas moins équipé d’une pointe acérée. Celle-ci déchire ou transperce et parfois nous venge d’une grande injustice ou d’un petit travers contre lequel jusqu’à présent nous nous sentions démunis.

Imageant la sagesse populaire, c’est la trajectoire qui nous montre le chemin, plus que le but : « Le bonheur c’est d’avoir une bonne santé et une mauvaise mémoire. »Ingrid Bergman.

Les proverbes africains « Le mensonge donne des fleurs mais pas de fruit. » ou encore, «L’eau chaude n’oublie pas qu’elle a été froide », frappés au coin du bon sens, par la simplicité de leur expression, augmentent la portée du sens particulier vers l’universel.

Visitez ma page aphorismes et citations : loin de tout intellectualisme artificiel, de tout esthétisme futile, parfois, ça troue le cul.

Je terminerai par un proverbe chinois qui dit que quand on a plus rien à dire, on cite généralement un proverbe chinois.

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