L’École Des Fées

Il règne aujourd’hui devant l’EDF. une agitation inhabituelle. Une multitude de jeunes filles se pressent devant la porte; il faut dire qu’aujourd’hui, comme tous les ans à la même période, l’École Des Fées rend public les résultats du concours annuel du CAPEF: le Certificat d’Aptitudes Particulièrement Exceptionnelles de Fée.

Depuis des centaines d’années ce diplôme n’est donné qu’au meilleures, aux plus consciencieuses, aux plus travailleuses, mais aussi aux plus créatives et aux plus charmantes ; en effet  toutes les qualités sont nécessaires pour devenir une fée digne de ce nom. Si une fée est forcément charmante, elle doit avoir de l’imagination pour sans cesse, inventer de nouveaux enchantements. Pour cela elle doit également maîtriser toutes les matières de son art, et donc apprendre consciencieusement les leçons que donnent les professeurs de l’EDF. Sans ces qualités naturelles et un travail régulier, elles n’obtiendront pas le diplôme. Alors, elles n’auront plus qu’à devenir sorcières, comptables auprès du service des impôts, ou pire encore, vendeuse de cuisines intégrées, par téléphone.

Mais aujourd’hui, de nouvelles fées vont aller retirer leur baguette magique et leur diplôme au bureau de la directrice. Les élèves la surnomment «la Vieille Clochette», en hommage à la petite compagne de Peter Pan ; mais surtout  parce que les initiales font V.C et que ça les fait rire. Elle distribue baguettes et  diplômes en compagnie du sous directeur. Celui-ci fait de son mieux, mais il est très vieux et perd un peu les pédales au milieu de toute cette agitation. D’ailleurs cela lui a valu le surnom de «Merlin Mélangeur». Décidément, toutes ces jeunes filles sont un peu espiègles. Il est vrai qu’être fée, n’interdit  pas de s’amuser.

Petit à petit, tout se déroule pour le mieux au cours de cette journée.
Chacune des élèves reçue se voit offrir par V.C une baguette ornée d’une étoile ainsi que le diplôme de l’EDF. Comme celui-ci est un peu encombrant, fait d’un parchemin épais, les nouvelles fées ont pris l’habitude de le rouler en cornet et de s’en coiffer. D’année en année, c’est devenu une tradition, à tel point que depuis fort longtemps les fées se coiffent d’un haut chapeau pointu.
Et les voilà parties, toutes excitées, en petits groupes de fées, après avoir reçu en même temps que les certificats, les recommandations d’usage de la part de Madame la directrice: « Vous voilà fées et bien fées, mes petites. Soyez dignes de vos pouvoirs ; servez-vous en pour le bonheur des gens, et évitez les blagues idiotes. Il faut souvent de bien grands efforts pour réparer les dégâts causés par des voeux réalisés de façon insouciante. Soyez dignes de l’EDF, pour que notre école soit fière de vous : en un mot soyez de bonnes fées »

Trois d’entre elles reçues brillamment, Lyne, Bryle et Lycitée, consolent quelques-unes de leurs copines recalées. Roce a été jugée trop dure pour être une bonne fée, et Celle n’a pas eu assez de temps pour apprendre ses leçons, trop occupée à faire le ménage chez elle. Quant à Thide, elle sentait vraiment trop mauvais pour se pencher sur le berceau de petits bébés!

Lyne a passé ses épreuves tout en douceur : souple et rapide, précise et discrète, elle a su montrer de réelles capacités d’enchantement. Bryle, très nerveuse a parfois eu quelques difficultés: trop pressée de vouloir bien faire, elle a failli transformer son devoir en citrouille avant la fin de son exercice. Mais très studieuse, elle a  finalement décroché facilement son examen. Lycitée toujours calme et détendue a passé ces épreuves si calmement, avec tellement de bonheur qu’elle a été congratulée par le jury.
Il était donc bien normal que nos trois amies deviennent des fées.

Dés qu’elles furent dehors leur baguette flambant neuve à la main et leur diplôme-chapeau-pointu sur la tête, elle se mirent à sautiller frénétiquement, en se tenant par la main, formant à elles trois une jolie ronde de jeunes fées ; elles chantaient à tue-tête :

« On est des fées,  on est des fées, on est des fées… ».

Elles tournaient , elles tournaient et tournaient si vite que le diplôme-chapeau-pointu de Bryle tomba. Lyne l’évita d’un bond gracieux, mais Lycitée, toute à sa joie, ne le vit même pas et le piétina à trois ou quatre reprises. Lyne s’arrêta net plaquant sa main sur sa bouche, les yeux fixés sur les pieds de Lycitée. Quand celle-ci se rendit compte qu’elle sautillait sur quelque chose de mou et de craquant à la fois, il était déjà trop tard ! La jolie coiffe était plus proche du contenu d’une corbeille à papier, que d’un brevet d’État. La stupeur avait figé le visage de Bryle. Elle se retourna vivement vers la piétineuse, et d’un vif mouvement du poignet fit jaillir de sa baguette un petit nuage de poussière d’étoiles qui se déposa sur le diplôme-chapeau-pointu de Lycitée.

Elle se retrouva instantanément coiffée d’une grosse boule de papier avachie qui ressemblait davantage à une bouse de vache, qu’à ce que porte habituellement sur la tête une fée digne de ce nom.

A ce moment-là, Lyne éclata de rire. Elle n’aurait pas dû.

Très digne, et souriante malgré sa curieuse coiffure, Lycitée avec beaucoup de calme de grâce et de délicatesse, se retourna tranquillement vers son amie Lyne, comme pour éviter de faire tomber sa nouvelle coiffe. Elle agita sa baguette en direction de la moqueuse qui se retrouva coiffée d’une citrouille!  (Que voulez vous, elles sortent à peine de leurs études et elles manquent un peu de fantaisie)

Cette citrouille visiblement trop mûre, s’enfonça légèrement  sur la tête de Lyne, à la manière du turban d’un grand calife qui en aurait choisi un, deux ou trois tailles au-dessus de ce qu’il lui fallait. La citrouille descendit à moitié oreille, juste au ras des sourcils de Lyne, lui donnant une expression fort peu élégante.
Le sous-directeur apparut à la fenêtre de l’école, en bredouillant:
« Mé-mé mé-mé … mes… mesdemoiselles, allons… mesdemoiselles! Je vous en prie, un peu de calme. Et puis un peu dete-te, dete-te … de  tenue s’il vous plaît. Lyne en voulant relever la tête failli tomber à la renverse, emportée par de poids de son couvre chef. Ses deux amies l’attrapant par le bras, la retenant de justesse. Les trois copines éclatèrent de rire.
Leur carrière de fée commençait bien. Elles se réconcilièrent tout de suite; pour cela nul besoin de magie, mais juste une délicieuse tasse de thé ou de chocolat chaud, avec évidemment de nombreux petits biscuits à se partager.

Elles évoquèrent ensuite longuement leurs études et toutes les leçons qu’elles avaient du apprendre.

« _Vous vous rappelez, commença Lyne, Cendrillon! Avant la composition, j’avais tellement travaillé sur cette leçon que je voyais des citrouilles partout. Je n’osais plus faire le ménage chez moi  tellement que la situation de cendrillon me faisait de la peine. Une horreur!

_Et moi, suivit Lycitée, j’ai rêvé que je n’avais pas cet examen et que je devenais sorcière. Un gros bouton me poussait sur le nez, je perdais mes dents de devant, j’étais dans un grand magasin, au rayon des balais et je les essayait tous les uns après les autres ; à toute vitesse entre les rayons et les étalages, je frôlais les piles de boites de conserves.

- Ça devait être drôle comme rêve.

- Eh bien oui, enfin, jusqu’au moment où j’ai essayé un aspirateur…

- Ah bon? ça ne marche pas avec un aspirateur?

- Si très bien, ça va beaucoup plus vite, c’est super!

- Eh bien, quel est le problème?

- Le problème vient de la longueur du fil: le fil n’est pas très long , enfin, juste assez pour prendre de la vitesse, ensuite, l’aspirateur se débranche.

-Et alors?

-Et alors quoi? tu tombes tiens! »

Lyne et Bryle éclatèrent de rire. Visiblement, Lycitée n’était pas  aussi  joyeuse que ses compagnes.

- « Mais Lycitée, ce n’était qu’un rêve , ce n’est pas aussi grave que ça.

-Peut-être, mais quand je me suis réveillée, j’avais une grosse bosse sur la tête. J’avais percuté ma bibliothèque, et tous les livres étaient étalés aux quatre coins de la pièce. J’ai passé la nuit à ranger ma chambre. »

Lycitée commença à sourire, alors que des larmes commençaient à couler au coin des yeux de ses amies, tellement elles riaient. Elles faisaient de gros efforts pour ne pas rire de ses malheurs, mais c’était trop drôle de voir à quel point cette pauvre Lycitée était contrariée. Elles pinçaient leurs lèvres, et leurs joues étaient écarlates,

« _Attendez, c’est pas fini. Le lendemain matin mal réveillée, j’arrive dans la cuisine, je mets mon pied dans la gamelle de lait du chat et manque de perdre l’équilibre. Alors pour me rattraper je pose ma main sur la table. Le problème c’est qu’à cet endroit là, il y a le bocal du poisson. »

Elle continua entre deux hoquets de rire, alors que ses amies avaient disparu sous la table, pliées en deux de rire.

« Si bien que je me suis retrouvée un pied plein de lait, et un bras trempé jusqu’au coude. »

Après s’être remises de ce fou rire elles décidèrent de ne plus se séparer. Peut-être pour partager ses moments là et n’en rater aucun…

Certains forment des groupes de musique, elles, elles formeraient un groupe de fées.

À elles trois, c’est sûr, elles allaient connaître des tas d’aventures, et celles-ci ne manqueraient pas de piquant…

 

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BIBLIOGRAPHIE

« Un bien fée n’est jamais perdu. » PUF

(Presses Universitaires des Fées)

 

« Fée moi mal »,  Édition Johnny-Johnny.

 

« Les télés Féeriques », Institut d’Études Cathodiques de Montagne.

 

« Fée ta vie », Ligue fée-minine révolutionnaire.

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