Le cartable de Victor

Victor rentrait de l’école comme un grand garçon qu’il est. Ce jour là, il avait tellement bien travaillé que sa maîtresse lui avait donné une image; il était très fier de pouvoir dire à ses parents qu’il avait été le premier à finir ses exercices, mais surtout qu’il avait eu tout juste. Il faut dire que ce n’était pas toujours le cas.

En arrivant près de sa maison, à l’angle de la rue, il vit un cartable posé contre le mur. Ce qui le surprit le plus c’est de ne voir personne à coté. C’était un vieux cartable un peu usé à l’air avachi, mais qu’il trouvait plutôt à son goût.

Le lendemain matin en repartant à l’école, le cartable était toujours là…  « Qui peut bien avoir laissé son cartable ici ? Pensa Victor. Et comment va-t-il faire ses devoirs, l’étourdi qui l’a laissé là ? »

Le soir, en revenant chez lui, Victor retrouva le cartable là où il l’avait vu les fois précédentes. Il regarda de plus près et s’aperçut que sur l’étiquette, il y avait écrit VICTOR ! Ça alors… L’étourdi s’appelait comme lui ! Il l’ouvrit en se disant que peut-être à l’intérieur il pourrait trouver l’adresse de ce petit garçon qui avait le même prénom que lui. Mais il n’y avait rien, il était vide.
Il pensa qu’en le ramenant chez lui, ses parents auraient peut-être une idée pour retrouver son propriétaire. Comme les bretelles étaient assez grandes, il l’enfila par-dessus le sien, comme il avait parfois l’habitude de faire avec son manteau. Il fit quelques pas, puis il sentit quelque chose de bizarre; un peu comme quand son papa attrapait la poignée de son cartable et le soulevait en lui disant: « Eh, reste avec nous Peter Pan! »

Mais cette fois ci, son papa n’y était pour rien. Quelques secondes plus tard, ses pieds ne touchaient plus par terre. Il était comme porté par une main invisible, douce et forte à la fois puisque tout cela se passait sans à-coups !!! Quelques mètres au-dessus du sol il volait. Dans les premiers temps, un peu surpris, il ne sut pas vraiment se diriger, mais très vite, il maîtrisa la situation et se posa en douceur devant la porte de sa maison.

« Maman, Regarde ce que j’ai trouvé ! Un cartable.

-Mais qu’est ce que c’est que ce vieux machin ? Il est propre au moins?

- Oui ne t’inquiète pas. »

Ensuite Victor raconta comment il l’avait trouvé, et pourquoi il l’avait ramassé. Ensemble il cherchèrent un indice capable de les aider à retrouver son propriétaire. Mais rien…
Ils se renseignèrent à l’école le jour suivant, mais personne n’avait perdu de cartable. Il pouvait donc le garder, d’autant plus qu’il n’y avait pas de livre, juste quelques vieux cahiers aux pages griffonnées.

Il n’avait toujours pas raconté l’étrange aventure qui lui était arrivée quand il avait enfilé les bretelles de ce curieux cartable. Il avait un peu peur qu’on ne le croit pas. Il alla voir Grégoire, son grand frère, pour lui raconter ce qui s’était passé. Celui-ci ne crut pas aux histoires de Victor. Il faut dire qu’il lui racontait régulièrement des blagues et le piégeait souvent. Grégoire avait appris à se méfier des propos de son jeune frère, mais commença à douter devant son insistance.

« Tu me le prêtes, que je l’essaye ?

- Oui, vas-y tu verras bien »

Grégoire enfila les bretelles, fit quelques pas, mais rien ne se passa.

 » Tu m’as encore raconté des histoires!

- Non, je te jure que c’est vrai ; hier quand je l’ai mis, j’ai décollé du sol et…

- Oui c’est comme quand tu m’as raconté que tu avais gagné douze billes à la récré, à Julien qui est bien plus fort que toi à ce jeu là.

- Non là c’est vrai, j’te promets que c’est vrai !

- Alors montre moi. Vas-y gros malin! »

Vexé que son frère ne veuille pas le croire, Victor arracha le cartable à Grégoire, et passa les bretelles. Dès qu’il eut fait deux pas, il commença à s’élever doucement devant les yeux écarquillés de son frère.

 » Alors tu vois, gros malin, je ne te raconte pas que des blagues. Tu me crois,là? »

Bouche bée, Grégoire ne pensa pas à prévenir Victor que le plafond de la chambre allait bientôt l’empêcher de monter davantage. Un léger choc rappela à Victor qu’il devait faire attention. Il fit un tour sur lui-même et se posa.

 » Mais comment fais tu ? Et pourquoi ça ne marche pas avec moi ?

- Je ne sais pas moi, comment je fais. Ce que je sais c’est que quand je l’ai trouvé, sur l’étiquette il y avait déjà mon prénom. Tu crois qu’il est magique toi ?

-  Ben c’est à dire que papa dis toujours que la magie ça n’existe pas, mais là, à mon avis, c’est sur, c’est de la magie. Mais pas pour tout le monde. Tu peux recommencer ? »

Et Victor recommença : il sortit au jardin et fit des dizaines de figures différentes, toutes plus amusantes les unes que les autres. Grégoire fit d’autres essais, mais sans succès.

« Je suis Luke Skywalker, je suis un chevalier Jedi, je vais sauver la terre, ha-ha, claironnait fièrement le nouveau vengeur de l’espace, je vais…

- Fais attention Victor, voilà papa ! « 

Il se posa en vitesse en haut de l’échelle de corde du portique.

« Qu’est ce que tu fais là haut avec ce cartable ?
– Heu, je m’amuse, papa.
– Eh bien tant mieux, mais descend me dire bonjour et pose ce cartable. Allez vous laver les mains, on passe à table.

Grégoire et Victor se regardèrent, n’osèrent rien dire et allèrent se laver les mains. Plus tard, après avoir dîner, ils se retrouvèrent en pyjama dans leur chambre.

 » Tu crois que je pourrais aller à l’école avec, demain, demanda Victor  à son frère ?
– Je n’en sais rien, faudra faire attention. On verra demain matin. Allez, éteins ta lumière.
– D’accord, bonne nuit.
– Bonne nuit. »

La nuit de Victor fut peuplée de rêves, comme d’habitude, mais cette fois, de pays en pays il survolait les gens et les toits, les montagnes et les rivières, les mers et les villes, découvrait des centaines de choses sous un angle qu’il n’avait jamais imaginé auparavant. Il voyait à des kilomètres à la ronde, les oiseaux l’accompagnaient, l’air éberlué de voir un petit garçon à cette altitude.

Quand il se réveilla le lendemain, il chercha du regard le fameux cartable qu’il avait posé au pied de son lit.
Il n’y était plus !
Grégoire dormait encore.

Il vit une feuille posée au pied de son lit: c’était une drôle de feuille, légèrement brillante et transparente à la fois.

 » Grégoire, réveille-toi ! Le cartable est parti !

- Hein, quoi, qu’est-ce que tu dis?

- Regarde, là, cette feuille bizarre. »

Ensemble ils s’approchèrent et lurent sur cette page, un texte aux lettres d’argent:

Les plus belles histoires,

N’arrivent que rarement,

Mais à ceux qui veulent y croire.

C’est pourquoi jalousement,

Ils gardent secrètes leurs aventures.

Ainsi leur vie est plus belle,

leurs rêves sont plus purs,

Et leur monde est sans pareil.

« - Ça veut dire que j’ai rêvé, s’étonna  tristement Victor ?

- Non je ne crois pas; mais je crois que  ça veut dire que quand on rêve, on a plus de chance qu’il nous arrive des choses extraordinaires, pour de vrai. Un peu comme dans les rêves… »

Toute la journée, Victor eut beaucoup de mal à ne pas penser à ce  cartable mystérieux et à son curieux message. Son esprit vagabonda beaucoup ce jour là, encore plus que d’habitude, si bien qu’à l’école, sa gentille maîtresse dut plusieurs fois le rappeler à l’ordre:

 » Victor, es-tu avec nous ? Cesse donc de rêver et finis donc le travail que j’ai demandé, tu sais lequel ?

- Oui Oui, je sais : raconter son dernier rêve. »

Les commentaires sont fermés.