café !

J’ai toujours du café.

Si je n’en ai pas, c’est que je vais en faire. Ma tasse est culottée à la manière d’une pipe. Le tartre le dispute au marc, jusqu’à ce que le lave vaisselle mette fin à cette collaboration fort peu sanitaire.

Vous trouverez des amateurs et des spécialistes qui disserteront avec talent et passion de qualités des caféiers de Colombie, des arômes des arabicas rares et de la typicité des saveurs des plants d’Afrique. Je suis un mécréant, je le confesse. Pour preuve et pour aggraver mon cas, je sucre. Oh, le moins possible, mes velléités gourmandes se faisant rattraper par l’âge de mes artères, mais je sucre. Ah ! j’aperçois déjà au fond de la salle quelques remous désapprobateurs et je me vois obligé de demander aux personnes les plus sensibles, ou les plus intransigeantes en la matière, de ne pas lire ce qui suit : parfois, pas très souvent voire même rarement, uniquement quand je suis pris par le temps ou par une crise de flémingite aiguë, j’opte pour du soluble… Oui, je sais. Ne m’accablez pas. A travers la difficulté de l’annoncer, je prends la mesure de ce que représente l’hérésie – qu’au passage l’on associe abusivement à Cathares, alors qu’il ne s’agissait que de différence – Je vous promets désormais de n’y recourir qu’en cas d’extrême urgence. Pas à l’hérésie, au soluble.

Cependant j’ai des excuses: je crois que ce que j’apprécie dans le café, c’est davantage le temps qu’il offre que la particularité de son goût.  Donc, que les puristes ne s’en offusquent pas, un excellent breuvage n’est pas indispensable. Cru classé ou nectar des dieux il serait le centre de la discussion, alors que quelconque il permet de parler d’autre chose. Il laisse sa place à la communication.  Certes, des esprits chagrins et pointilleux me feront remarquer qu’il vaudrait mieux parfois disserter robusta et arabica que météo et politique, malongo et brûlerie plutôt que football et mariage princier. Ainsi évite t’on clichés, stéréotypes et philosophie de comptoir. A ceux là je ferais remarquer que de l’apparente lourdeur d’une conversation insignifiante, peut néanmoins émerger l’échange, et, tel un terreau fertile pourtant composé d’humus et de divers organismes en cours de putréfaction, créee un terrain propice à l’apparition d’une lueur éclairant le chemin des différences. La succession de banalités et d’incongruités trouve alors suffisamment grâce à mes yeux, pour justifier sur l’autel du dialogue le sacrifice du café.

Relégué au rang de flacon: peu importe le café pourvu qu’on ait l’ivresse de la rencontre. (J’entrevoie le hérissement de poil d’un torréfacteur sélectionnant consciencieusement ses grains…)

Le prétexte prévaut, l’emporte. Le petit noir, pair et passe ! Plus que l’effet stimulant de la caféine, du caractère roboratif de la boisson chaude,  l’argument passeport pour engager la conversation s’impose. L’anodin argument de prendre un café est la clé de moments dédiés à l’échange et au partage. Quelque soient la nature de ces échanges, d’ailleurs; de fluide ou de points de vus, peu importe… le temps est donné au dialogue et je serais curieux de connaître le nombre de réconciliations, d’explications de découvertes et d’apaisements qui ont pour ce déclencheur là.

Et puis le rythme. « on prend un café et on y va ? » – «  on se retrouve pour un café ? » – « Allez j’te paye un café ».

Au bureau, pendant la tournée du facteur, point de rencontre quasi obligé de tout rendez-vous, la petite tasse sur la soucoupe sur le zinc ou la grande qui réchauffe les doigts et accueille la tartine… Ah, combien de temps de qualité, de repos, d’intense réflexion fertiles en bouleversements sont issus de la promiscuité d’interlocuteurs réunis autour de ce breuvage?

 

Il est le prémisse du pousse café (qui fera l’objet d’un autre épanchement épistolaire), on l’oubli trop souvent. Il est la pause douceur dans un moment intense, il est la pause tonifiante qui rassemble les forces et les énergies quand elles commencent à faire défaut. Proposer un café même à quelqu’un qui l’évite est une entrée en matière. On parle sensibilité, sommeil… rythme de vie. Indispensable pour certains, insupportable pour d’autres, il parfume une cuisine.

Bon, je peux reconnaître qu’un bon café est préférable à un quelconque jus de chaussette. Depuis quelques temps, une vraie machine distille son breuvage dans ma maison-vaisseau -familial. On se régale.

Rien à ajouter. Si! Compter jusqu’à trois avant que le carré de sucre sacrilège ne puisse traverser la mousse dense qui couvre le noir liquide… C’est un plaisir dont je ne me lasse pas. Posé sur la mousse, il change d’abord de couleur, absorbant le premier suc délivré par la poudre au passage de l’eau chaude. Alourdi des parfums il s’abaisse, lentement d’abord, puis condescend à se sacrifier, disparaissant sous l’écume, se dissolvant sans retenue. Comme s’il avait, lui d’abord, goûté, testé, apprécié ce premier baiser.

Oui, le café est un excitant.

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