Sale temps pour Fée Lyne

Le problème par temps de pluie, c’est bien sur qu’on a pas envie de se mouiller. Donc,on a envie de se dépêcher: on a envie de courir pour se mouiller moins longtemps. Oui mais voilà, quand il pleut, ça glisse!
C’est ce que pensait Lyne notre amie fée, qui venait à deux reprises de manquer de se fiche en l’air: et tout ça, pour éviter une flaque… C’est la meilleure!
« Si ce n’était que moi, pensait-elle, il ferait beau tout le temps, ou enfin presque tout le temps. Il pleuvrait seulement la nuit, pour arroser les plantes qui en ont besoin. Le reste du temps, plein soleil. Juste quelques nuages de temps en temps pour faire joli dans le ciel. Pour qu’on puisse s’amuser à deviner les formes que leur donne le vent. »
Mais en tant que fée, et bonne fée comme ses amies Bryle et Licytée, elle savait bien que malgré tous ses pouvoirs et son diplôme de l’EDF( École des Fées), il y avait des choses auxquelles elle ne devait  pas toucher.

Ce jour là, elle ne pensait pas vraiment aux fleurs qui recevait joyeusement ces gouttes d’eau.
Elle se préoccupait davantage des trottoirs qu’il fallait enjamber. Elle surveillait leurs rigoles gorgées, qui n’attendaient que la roue d’une voiture pour l’arroser copieusement d’une gerbe d’eau boueuse. Déjà, le plus discrètement possible, notre fée s’était magiquement dotée d’un joli parapluie transparent; tellement transparent que personne ne pouvait le voir, mais qui néanmoins, la protégeait de la pluie. Très vite, elle avait du le modifier car tout les gens qu’elle croisait, se demandaient ce qu’elle faisait, le poing tendu en avant. d’autan plus qu’il pleuvait et que rien ne paraissait la protéger. Elle fit donc en sorte qu’il tienne tout seul au dessus de sa tête. C’était plus discret, sobre et élégant. Très pratique pour porter les paquets qu’elle allait poster.

Malgré cet équipement spécial, Lyne n’était pas contente de la situation. « Quand même se disait-elle, fée et mouillée, ça ne devrait pas exister. Comment faire pour éviter par exemple que mes pieds ne glissent et ne soient trempés ? »
Arrêtée à un feu rouge, elle réfléchissait quand elle vit passer devant la galerie commerciale, trois enfants qui semblaient avancer au milieu de la foule comme portés par un petit nuage… Sans efforts apparents, ils semblaient flotter, avançant à l’aide de geste amples, un grand sourire au lèvres.

« Comment font-ils, se demanda-t-elle? Par quel sortilège avancent-ils de cette manière? Sont-ils de petits lutins qui ont trouvé ce qu’elle, Fée diplômée de l’EDF, cherchait encore? Ah, il faut que je vois ça de plus près! »
Dès que le piéton fut vert, elle s’empressa de traverser afin de rejoindre ce groupe joyeux qui s’était arrêté devant la librairie. Le bruit, puis très vite la sensation d’humidité de ses chaussettes, lui rappelèrent qu’elle n’avait pas encore résolu le problème qui la préoccupait. En effet à cet endroit là, l’eau ne s’écoulait pas facilement et elle venait de tester la profondeur de la plus grosse flaque du quartier: environ douze centimètres. Pestant et râlant, elle finit de traverser la rue. Puis elle pressa le pas pour s’approcher des trois enfants juste avant qu’ils ne décident de repartir vers une autre vitrine. Toujours le sourire aux lèvres, ils semblaient glisser avec bonheur au milieu des gens qui faisaient leur courses. Lorsque enfin elle put les rejoindre, elle fut quelque peu surprise et déçue à la fois. Ces trois gnomes, ces trois petits lutins qu’elle imaginait malicieux et doués de pouvoirs surnaturels, n’étaient que des enfants tout ce qu’il y a de plus normaux. Il s’adonnaient simplement et malgré le temps, à leur loisir favori: le roller. Certes ils restaient dans des coins abrités afin de ne pas trop glisser, mais ils semblaient tellement prendre de plaisir à déambuler…

« Voilà bien sur une bonne idée qui me permettrait de me déplacer avec moins d’efforts et peut-être au dessus du niveau des flaques. »
Un dernier regard sur l’état de son pied droit, et elle fut très vite convaincue que c’était la bonne solution.
Elle n’avait peut-être pas pris  en compte tout les détails. Par exemple les enfants faisaient du roller dans un endroit sec, et surtout, ils savaient en faire… De plus ils avaient les mains libres et pouvaient ainsi conserver leur équilibre.

Lyne décida de s’équiper de roller de sa propre conception; il allait de soi que ce ne pouvaient être  les rollers de monsieur tout le monde. Il fallait que se soient des rollers de fée! Elle les souhaita transparents comme son parapluie, afin que cela soit discret et coquet à la fois. Mais elle pensa surtout à améliorer le système de glisse: « Pas de roues ni de roulement, c’est trop démodé. J’y suis! Un système de sustentation qui me soulèvera légèrement du sol, avec en plus une anticipation qui me fera survoler les obstacles. Ainsi à l’approche d’un trottoir, je devrais y monter dessus sans même y prêter attention. »
Elle trouva un recoin de la galerie marchande (là ou on paie le parking souterrain, près de la caisse automatique) pour procéder à son équipement en se préservant des regards indiscrets. Petite concentration…, mouvement discret de sa baguette qu’elle avait retiré de son sac…, et une petite pluie scintillante tomba sur ses chaussures.
« Parfait. C’est exactement ce que je voulais, et en plus ils sont à ma taille… » Elle sourit toute seule. Effectivement on ne pouvait rien deviner car ses chaussures n’avaient pas changé d’aspect. Et pourtant elle était bien équipée de rollers révolutionnaires!

Une fois équipée de ces rollers magiques, elle se lança dans la rue. Le système qu’elle avait inventé s’avéra très efficace. Libérés du frottement des roues, ces rollers magiques répondaient au moindre effort de Lyne: la moindre impulsion lui faisait parcourir plusieurs mètres, et les trottoirs ou autres plaques d’égouts ne la faisaient pas dévier d’un cheveu de sa trajectoire.

Alors elle partit en direction de la poste.

Quand elle vit l’entrée, c’était déjà trop tard. Elle venait de la dépasser, et malgré ses efforts, elle ne put s’arrêter à temps. Elle fila droit devant, et eut beaucoup de mal à simplement changer de direction. Penchée en arrière, à droite ou à gauche, rien à faire. Il lui semblait  être sur une patinoire, munie de chaussures de glaces. Au bout d’un moment elle s’arrêta. Elle avait eu de la chance de ne percuter personne.

Son système était tellement performant que rien ne l’arrêtait: à l’approche de la moindre marche, son invention la soulevait, tout en douceur. Un léger vent commença à se lever. Les feuilles bruissèrent dans les arbres. Lyne regarda les branches de ces arbres l’air étonné. Sans rien faire, elle avança d’une bonne dizaine de mètres. Stupéfaite, elle resta comme figée sur un tapis roulant…
C’est à se moment là qu’elle vit apparaître les trois enfants sur leurs rollers. L’un d’entre eux patinait en arrière, montrant fièrement sa technique à ses amis. C’est comme ça que le patineur émérite percutât la fée Lyne.

« Oh pardon! Excusez-moi je suis désolé, heu… »

Le temps de se retourner, il ne vit personne, ou si loin que ce ne pouvait pas être la personne qu’il avait télescopé.

Lyne venait de faire au moins trente mètres en arrière, bien malgré elle. Après avoir réussi à se retourner, elle attendit patiemment que sa course ralentit, avant d’essayer de se diriger vers un endroit abrité du vent. Car le moindre souffle la poussait un peu plus loin.

Une fois stabilisée, elle se dit que la vie d’une boule de flipper ne devait pas être tous les jours très drôle; à peu près aussi rigolo que celle d’un palet de hockey sur glace, d’une balle de tennis un jour de finale de Roland Garros, ou encore celle d’une fée qui ne réfléchit pas beaucoup à ce qu’elle fait avant de le faire.

Elle se dit qu’elle ferait mieux d’ôter ces rollers magiques avant qu’il ne lui arrive une autre mésaventure.

« BOUHHH!! »

Elle sursauta si violemment, qu’emportée par son élan elle fit de nouveau environ une cinquantaine de mètres.

Bryle et Lycitée, ses deux amies qui avaient voulu simplement lui faire une petite farce, en la rencontrant par hasard sur leur chemin, restèrent figées sur place. Elles regardaient ce petit point s’éloigner d’elles…

Revenues de leur surprises, elles marchèrent vers Line; mais elles n’arrivaient pas à la rattraper. Chaque fois elle s’éloignait un peu plus. Alors elles se mirent à courir. Arrivées à sa hauteur, elles remarquèrent tout de suite que Line semblait très fâchée.

« Eh bien Line, tu pourrais nous attendre!

- Je voudrais bien, mais…

- Et puis arrête-toi, quoi!

- Je ne demande pas mieux, mais… »

Bryle et Lycittée la saisirent par le bras, et  elle cessa enfin de dériver.

 » Mais tu es montée sur deux savonnettes, ou quoi? Par temps de pluie, ce n’est pas prudent!

- Oui, c’est un peu ça, dit elle en bougonnant. »

Puis elle raconta l’idée géniale qui avait abouti à ce désastre.

Rigolant comme des tordues, loin de compatir, ses deux amies n’en pouvait plus:

 » Tu as vu, quand on a fait Bouhh! On aurait dit Vil Coyote surpris par Bip-Bip.

- Tu as raison, s’il y avait eu un train, c’est sur, elle le prenait en pleine figure!

- Ha ha ha ha ha! Regarde maintenant on dirait plutôt Grincheux à qui Blanche Neige vient de lui demander de se laver les mains et de sourire.

Effectivement, Lyne ne partageait pas du tout  l’hilarité de ses amies. »ça suffit!  » cria-t-elle en tapant du pied.
Erreur!

Du coup elle traversa la rue d’un seul trait, ne pouvant éviter une gerbe d’eau que venait de soulever un autobus en quittant son arrêt.Écroulées de rire, Bryle et Licitée ne virent pas que Lynee d’un geste nerveux venait de supprimer l’enchantement qui avait crée ces rollers magiques. Elles ne virent pas non plus que par un geste similaire, elle venait de les affubler de ces merveilleux engins: si bien qu’elles commencèrent à glisser sous l’impulsion de leur fou rire. Ne comprenant pas ce qui leur arrivait, Lyne leur lança à leur passage

« Au fait, pour ce soir, passez donc à la boulangerie. Et essayez de ramener une baguette de pain. »

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